Chicago a le blues…

par Lola Reynaerts

SCENES

C’est un événement incontournable pour tout amateur de blues. Malheureusement, le Millenium Park de Chicago aura vainement attendu les fans cette année… « In response to COVID-19 » la trente-septième édition du Chicago Blues Festival a finalement dû être annulée. Avec une pointe de nostalgie mais aussi avec beaucoup d’enthousiasme, notre chroniqueuse « blues », Lola Reynaerts, nous dresse son compte-rendu des trois jours de l’édition 2019… Celle à laquelle elle a pu assister !

Jimmy Johnson © Lola Reynaerts

Après avoir parcouru le Sud des États-Unis de fond en comble pendant deux mois, avoir épuisé toutes les danses avec ce charmant Ellis Coleman au célèbre Red’s Juke Joint à Clarksdale sur le lancinant Mississippi Hill country blues de Terry Harmonica Bean. Après avoir marché sur les pas de Charley Patton et de Robert Johnson avec émotion. Après avoir cru en Dieu en l’espace d’une messe gospel à la Tabernacle Church en écoutant Al Green les yeux ébahis devant cet artiste. Après m’être assise durant des heures devant ce fleuve bourré d’histoire et tellement romantique qu’est le Mississippi. Et enfin, après avoir goûté toutes les spécialités frites, fried pickles, hushpuppies, catfish (et j’en passe..) c’est avec un plaisir immense que je rejoins le Nord et plus précisément Chicago, après un bref arrêt à Saint-Louis dans le club Jazz & Blues Soups de Marquise Knox.

« J’ai cru en Dieu l’espace d’une messe gospel en écoutant Al Green à la Tabernacle Church »

Avant de participer avec grande excitation au Chicago Blues Festival pour la première fois, je profite de quelques jours libres pour me plonger dans l’ambiance des clubs de Chicago que j’aime tant. Premier arrêt au Kingston Mines avec Corey Dennison Band et Vance Kelly pour bien démarrer les hostilités. Un coup de Malört et c’est comme si je n’avais jamais quitté la Windy City. Et ça démarre très fort par la découverte d’un guitariste hors pair, Matt Hendricks, pour un « early set » au Buddy Guy’s Legend où Monsieur Buddy Guy, accoudé à son comptoir, m’accorde un sourire, une photo et une chaleureuse poignée de main. Un petit tour au Green Mill, non pas pour leurs cocktails qui ne sont pas terribles mais pour l’envoûtant Alfonso Ponticelli & Swing Gitan.

Aiguillée par mon ami Robert Sacre, mon mentor en matière de blues, je mets les pieds pour la première fois au Delmark Records. Une rencontre de presse y est organisée chaque année avant le festival afin de promouvoir les artistes qui se produiront sur les différentes scènes du festival.

Cette année Jimmy Johnson, qui a fêté ses 90 ans en novembre dernier, était à l’honneur. La crème des bluesmen de Chicago était présente,  Jimmy Johnson, Jimmy Burns, Mike Wheeler, Gerry Hundt, Breezy Rodio, Linsey Alexander, Willie Buck, Dave Specter, Guy King. Les interviews et les photos se succèdent. Merci à Elbio Barilari et Julia a. Miller, heureux organisateurs depuis plus d’un an maintenant, pour leur accueil chaleureux.

Jimmy Burns © Lola Reynaerts

Je suis prête pour ces trois jours de musique intensive. Une affiche qui nous met à tous l’eau à la bouche. J’ai 27 ans et souvent, je regrette de ne pas être née plus tôt. De ne pas pu avoir vu sur scène tous les artistes que j’écoute chez moi, en Belgique, mais ce festival me réconcilie avec mon âge… et son affiche me le prouve.

Vendredi 7 juin,  le plus grand festival de blues (gratuit !) ouvre ses scènes … Chaque année des milliers d’amateurs de blues, de journalistes et de professionnels s’y rencontrent dans un seul but : partager le plaisir et les émotions que procure cette musique issue des entrailles des hommes. C’est avec une excitation certaine que je me rends à 11h, sous un soleil de plomb, sur le site situé en plein cœur de Chicago dans le Millenium Park. Premier arrêt, la tente des accréditations où m’attend mon pass photo. J’y croise Elbio Barilari, le propriétaire de Delmark Records, qui me fait visiter les lieux ainsi que « Le village », espace consacré aux labels, sponsors, ville de Chicago et à la Front Porch Stage. Je continue mon périple, d’un côté la Mississippi Juke Joint Stage, de l’autre le Budweiser Crossroad Stage. J’arrive au Jay Pritzker Pavillon qui sera dédié aux plus grands noms du festival. Premier arrêt : le Mississippi Juke Joint Stage… Tiens donc, à croire que le Delta me manque déjà. Jimmy Burns on stage, qui me réserve un très bel accueil et me fait sentir un peu chez moi … « Hey there little Belgium ». Jimmy Burns est l’un des artistes les plus populaires du Chicago Southside. Je le traque clichés après clichés lors de ses tournées européennes et à Chicago. Il est né en 1943 dans une plantation du Mississippi et on peut encore ressentir dans sa voix qu’il a grandi au milieu d’églises et de chants gospel. Il a définitivement cette touche du Delta en lui qui me séduit tant. Sa nièce, Queen Beautiful le rejoint sur scène le temps de « I’m a woman » de Koko Taylor qu’elle interprète de toute son âme et sa féminité.

Benny Turner & Kate Moss © Lola Reynaerts

Benny Turner and the Real Blues, n’étaient pas dans mon programme parce que devant une affiche aussi riche, des choix s’imposent… Mais je n’ai pu résister ! Un détour qui a finalement duré tout le concert. Habits de cowboy du Texas, là d’où il vient, guitare basse, le petit frère de Freddy King m’a envoûtée. Entouré de musiciens talentueux tels que Kate Moss, les cheveux au vent, il nous fait cadeau de quelques solos de guitare. Benny enchaîne des titres originaux ainsi qu’une chanson de B.B. King. Il invite Joanna Connor, habituée des scènes et des clubs de Chicago, à le rejoindre. Deux guitaristes, deux solos de guitare… Du lourd !

Je cours voir la fin du concert de Bob Stroger sur la Front Porch Stage, je prends au fil des morceaux conscience des musiciens qui me font face… Bob Stroger a été le bassiste de célèbres bluesmen tels que Sunnyland Slim pendant 25 ans, de Muddy Waters, Howling Wolf, Pinetop Perkins band. C’est avec beaucoup d’humilité que je lui vole quelques clichés.

The Prince of the Delta Blues joue sur le Mississippi Juke Joint Stage, des femmes donnent de la voix comme hypnotisées par le timbre de la sienne. La question ne se pose plus, il porte son surnom à merveille. « We can’t be in Chicago without playing a Muddy song », tous vêtus de rose c’est sous les applaudissements qu’ils enchaînent le célèbre titre de Muddy Waters « Got my Mojo Working ».
 

Guy King & Chris Cain © Lola Reynaerts

Je cours écouter mon ami Gerry Hundt et son legendary One Man Band au Park Grill Stage. Je peux vous confier que Gerry vit pour la musique, se produisant tous les lundis et mercredis soirs jusqu’aux petites heures au Kingston Mines avec Corey Dennison. Il enchaîne les lieux tels que Smoke Daddy et Taylor StreetTap avec son One Man Band. Gerry est un multi instrumentiste. Batterie au pied, guitare à la main, parfois un harmonica ou un kazoo au cou, c’est avec poigne qu’il interprète pile au moment où j’arrive une chanson que j’affectionne tout particulièrement « It Hurt Me Too » enregistrée pour la première fois par Tampa Red et ensuite par Elmore James. Un « Broke and Hungry » de Sleepy John Estes. Chanson qu’il reprend à la mandoline avec Corey Dennison sur l’album récemment enregistré pour le 65ème anniversaire du label Delmark Records.

Sur la Budweiser Crossroad Stage : Guy King. Une explosion de notes résonne dans le parc. Pas de pédales, pas d’effets… Juste les mains et le cœur, surtout le cœur ! Guy King et sa Gibson sont seuls sur scène pour entamer le set. Le public se presse de plus en plus, je croise des musiciens tels que Matt Hendricks et Jennifer Millingam (Lill’red Rooster) venus écouter ce géant de la guitare. Sous un tonnerre d’applaudissements Chris Cain « special guest » fait son entrée vêtu de sa célèbre salopette. Dents du bonheur et sourire aux lèvres pour tout le monde ! Chris Cain est l’un des musiciens les plus énergiques que j’ai eu la chance de voir. Pour terminer, Chris Cain se place au piano, Jimmy Johnson devait faire une brève apparition mais nous n’avons pas eu le plaisir de le voir. Ils terminent le concert par « Alone in the City » chanson de Guy King sur son album By Myself. Des applaudissements chaleureux, une file qui s’allonge aux cd. Un public conquis !

Charlie Musselwhite © Lola Reynaerts

Direction le Jay Pritzker Pavillon, ou je compte bien passer la fin de soirée et le début de la nuit … J’ai l’impression que l’affiche du vendredi soir a été conçue spécialement pour moi. Le premier à ouvrir les festivités est le grand harmoniciste Charlie Musselwhite, que j’ai eu la chance de rencontrer il y a un mois à Clarksdale lors de la projection du film Cadillac Records en plein air au Delta Blues Museum. J’avais déjà eu la chance de le voir sur scène à Bruxelles aux côtés de Ben Harper. Une reprise de « Bad Boy » d’Eddie Taylor qui plaît au public. A ses cotés un jeune groupe énergique au groove étonnant.

Il invite Billy Boy Arnold sur scène, deux harmonicas côte à côte, la fête est totale ! B.B. King, Little Walter ainsi que James Cotton son ami de longue date rencontré à l’auditorium de Memphis pour l’ouverture de Chuck Berry… Rien que ça. Charlie termine son set avec une chanson « Strange Land » qu’il a écrite lors de son arrivée à Chicago alors qu’il n’avait que 16-18 ans, et qui figure sur son premier album. « Nobody knows me, nobody knows me, nobody know who I am. Well I’m just a stranger in a strange land » Il en a fait du chemin depuis…

« Où que je sois, tous les 7 juin, je boirai un verre à l’occasion du Jimmy Johnson Day »

J’avais hâte de revoir Jimmy Johnson. Un court documentaire en son honneur est projeté sur grand écran. Mesdames, Messieurs … Notez dans votre agenda que le 7 juin est officiellement le « Jimmy Johnson Day ». La maire de la ville récemment élue, Lori Lightfoot a proclamé que le 7 juin sera désormais « le Jimmy Johnson Day à Chicago ». Où que je sois, tous les 7 juin, je boirai un verre en son honneur ! Il a reçu cette déclaration avec l’humilité qui le caractérise et a fait ce qu’il sait faire de mieux … il a pris sa guitare et nous a fait le cadeau d’une heure de bonheur total. A 90 ans, sa voix si particulière a enflammé le pavillon. Sa chanson « Cold Cold Feeling » de son album « Bar Room Preacher » me procure une émotion toute particulière. Et comme il a coutume de le dire : « Être en lien avec les autres, c’est là le secret de sa longévité et de son succès ».

Bob Stroger © Lola Reynaerts

Bobby Rush © Lola Reynaerts

The one and only Bobby Rush, récemment récompensé du « meilleur album traditionnel de blues » aux Blues Music Awards avec son album « Porcupine Meat », fait une entrée fracassante sur scène, accompagné de deux demoiselles. Vêtu d’un costume jaune à paillettes il met le feu. Des femmes se trémoussant au son funky de ses chansons crient son nom, ce qui l’encourage a continuer ses frasques de plus belle. Une culottes géantes, des fesses qui chantent, Bobby Rush, parfois déguisé en Michael Jackson ou Elvis est un vrai showman et tombeur de ces dames. Moi-même, je suis sous le charme ! Il termine par « Porcupine Meat » et « Funk O’ De Funk »  issus de son dernier album. C’est avec un sourire jusqu’aux oreilles que je repars de ce festival incroyable, impatiente de ce que me réservent les deux prochains jours.

Le deuxième jour, comme si vous y étiez !

Marquise Knox © Lola Reynaerts

C’est sous un soleil de plomb et avec quelques cernes en plus que j’entame cette deuxième journée de Festival. Une journée colorée, riche en diversité, multiculturelle. Nationalités ou couleurs, les mots et les notes se confondent tel un festin musical à partager. Je me demandais parfois si cette musique pouvait encore intéresser les jeunes et plus particulièrement les jeunes noirs. J’entendais de ci de là parler du déclin du Blues auprès de ces jeunes générations. Et puis, dans le fond, pourquoi pas ? La musique évolue, les rythmes et les sons sont bien différents, mais souvent le sens, les mots, les histoires que le rap ou d’autres formes musicales nous racontent, ne diffèrent pas beaucoup des terribles conditions de vie que les artistes exprimaient dans les Juke Joint de l’époque. Et puis des jeunes, ici, il y en a encore beaucoup, et de toutes les couleurs… Certains écoutent religieusement, les yeux fermés presque sans bouger, comme emportés par des images intérieures et des paysages infinis, d’autres se lèvent et dansent.  Chaque accord de guitare, chaque mot, chaque note traversent leur peau. Tentée moi aussi, je me suis laissée aller, j’ai dansé avec eux…du bonheur.

Encore un peu dans les nuages je me dirige vers la Budweiser Crossroad Stage où l’étoile montante de Chicago, Melody Angel se produit. Melody Angel, chanteuse / guitariste est accompagnée sur scène au tambourin par sa maman. Enfant déjà, elle rêvait de se produire au Festival de Chicago, d’affronter la scène et son public. C’est maintenant chose faite, une première d’une longue série. Deux albums à son actif. Le plus récent «Angel & Melody» est intense, intime et sensuel. Personnel aussi avec une indéfinissable touche de ses idoles, Prince et parfois aussi de Jimi Hendrix à qui elle rend un hommage tout en finesse.

Sur la même scène, Marquise Knox est le prochain artiste à se produire. Bien que je l’aie rencontré à Saint-Louis dans son club «Blues and Jazz Soup». Je ne l’avais encore jamais vu sur scène. Vingt-huit ans, fan de B.B.King, dont il a déjà partagé la scène, Marquise Knox, à l’égal de son idole, jouit d’une présence et d’une prestance sur scène toute particulière et exceptionnelle. Subjuguée par cette découverte je me réjouis déjà de le retrouver lors d’une probable et espérée tournée Européenne.

Malgré tout, le Blues du Delta du Mississippi me manque et je sens, impatiente que je suis, qu’il va m’en falloir une dose, une sacrée dose. Avec James  «Super Chikan» Johnson par exemple. Les images de Clarksdale, ces ambiances particulières, presque des retrouvailles, pourtant il n’y a pas si longtemps j’y étais encore. Les hommes du Mississippi ont la réputation de bien s’entourer, quatre musiciennes l’accompagnent, Heather Tackett-Falduto à la basse, Rachel Coba à la guitare, Jamiesa «Pinkey» Turner à la batterie et Lala Craig au claviers. Elle adore quand je l’appelle la «Keyboard Killeuse» : j’ai rarement vu quelqu’un jouer du clavier avec autant d’ardeur et d’énergie, un spectacle à elle toute seule, il faut parfois la forte présence de notre Super Chikan pour ramener l’attention du public vers lui, mais ça aussi ça fait partie du spectacle.

James Super Chikan Johnson © Lola Reynaerts

Aussi connu pour ses guitares artisanales appelées «Chikantars», Super Chikan offre à son public lors de ses concerts un cri particulier, son fameux cri du poulet qui fait déjà écho dans le chapiteau. Pour tout vous dire, il attire aussi nombre de touristes et de fans à Clarksdale par ses créations. Outre ses guitares il y a aussi ses Cigares box, Diddley bow et jerrycan qu’il recouvre de quelques pièces du Delta qui lui sont chères. Je lâche mon appareil photo et je me laisse aller, je m’emporte, vers cet univers si particulier du Delta. Une reprise de Jimmy Reed pour finalement terminer par son «SippiSeeKansas» (Mississippi, Tennessee, et Arkansas). Trois états bordant le  Mississippi en un.

Retour vers la Budweiser Stage… Habitué des scènes de Chicago, Rico McFarland est une découverte pour moi, dans le pur style Chicago blues. Rico distille une musique inspirée.  Du haut de mes vingt-sept printemps, J’imagine bien encore des choses à apprendre, des voix à découvrir et celle-ci est un cadeau d’autant plus, qu’invité sur scène, Wayne Baker Brooks, le plus jeune fils de Lonnie Brooks enrobe le tout de solos de guitares endiablés.
 

Rico McFarland © Lola Reynaerts

C’est peut-être le mot «impatience» qui symbolise le mieux ma journée, il me pressait de le voir et Carl Weatherby monte sur scène, soutenu par une canne. Ce vétéran de la guerre du Vietnam, toujours flamboyant, cravache violemment les cordes de sa guitare. Sa reprise de «Are You Serious» de Tyrone Davis que j’entonne de toutes mes tripes avec lui achève ce set.

Autre registre sur la Front Porch Stage avec Dom Flemons, un multi-instrumentiste, amoureux des racines du blues et de l’histoire afro-américaine.  Il nous présente son album «Black Cowboy», un album consacré à la musique, à la culture et à cette histoire complexe du «Wild West». Pendant 60 minutes, il nous emmène avec lui dans ce vieux siècle où des milliers de pionniers afro-américains ont participé à la construction des États-Unis. Avec un a-capela sur «Black Woman» qui nous laisse sans voix, une remontée dans le temps lors d’une interprétation d’une chanson de Tampa Red.
Son dernier album «Black Cowboy» fera partie de la septantaine de CD déjà achetés. La valise sera lourde.

Latimore, ce crooner de la Soul & R&B débute les festivités du Jay Pritzker Pavillon. Avec un humour qui lui est propre il interprète une chanson pour les femmes «Plus size» qu’il aime tant. Certaines d’entre elles dansent avec tant de fierté que l’émotion gagne la plupart d’entre nous.  «Let’s staighten it out» numéro un des charts R&B en 1974 fait fureur auprès du public ainsi qu’auprès de mes voisins photographes qui lâchent leur appareil photo pour se dandiner.  Un photographe ne danse pas il se dandine !
 

Monster Mike Welch © Lola Reynaerts

Elle commence fort cette journée ! Il est 11h et je cours déjà entre deux scènes. La Fronch Porch Stage pour Willie Buck que j’ai découvert à la réception de Delmark Records chez lesquels il a enregistré un nouvel album «Willie Buck Way». Un «I Live the Life I Love and I Love the Life I Live» de Willie Dixon, son costume rouge flamboyant et sa voix de baryton illuminent ce matin gris.

Un jump jusqu’à la Budweiser Crossroad Stage pour écouter Omar Coleman, un jeune chanteur – harmoniciste qui a grandi dans le «Louise ’s Lounge» de sa maman où des artistes tels que Tyrone Davis et Bobby Rush avaient l’habitude de faire escale. Il m’a carrément transmis l’énergie dont j’avais besoin pour cette journée. Accompagné de son harmonica il fait danser la foule qui en redemande, sur des hits de Al Green et sur le célèbre «Night Fishing» de Bobby Rush. Je suis prête pour cette journée !

RL Boyce © Lola Reynaerts

C’est presque en sautillant que je rejoins la Mississippi Juke Joint Stage où du délicieux Mississippi Hill Country blues m’attend avec R.L Boyce et son acolyte Lightnin Malclom à la batterie et à la guitare, que j’ai eu la chance de photographier quelques semaines auparavant lors d’une session d’enregistrement pour le nouvel album de Ghalia Volt au Zebra Ranch Studio à Coldwater, MS, célèbre studio du musicien James Luther Dickinson dont le fils Luther Dickinson joue de la guitare sur le premier album «Ain’t the Man’s Alright» de R.L. Boyce. Le fameux R.L. Boogie qui résonne dans le chapiteau, Lightnin Malcolm qui pète une corde dès la première chanson et quelques problèmes techniques rapidement résolus… C’est reparti pour groover. Des images du Juke Joint Festival de Clarksdale, où le Moonshine coulait à flot, ressurgissent. J’aime ce son, chaque note me procure des frissons.

Toronzo Cannon © Lola Reynaerts

Retour à Chicago avec Toronzo Cannon et son drapeau de l’Illinois fièrement porté autour de La taille. Des fans qui se prennent en selfie avec lui. Un premier cd en 2006, deux autres chez Delmark Records en 2011 et 2013 pour finalement prendre racine chez Aligator Records en 2016 avec un petit nouveau qui nous attend fin d’année.

Un lancer de chapeau dans le public, une guitare et un ampli aux couleurs de l’Illinois. Sa fille de 17 ans prend les commandes du groupe le temps d’une chanson «Ain’t No Sunshine». Un public conquis. J’entends la dernière chanson de Zac Harmon à la Mississippi Juke Joint Stage. Une reprise de la célèbre chanson de Bob Dylan «Knockin’ on Heaven’s Door» qu’il reprend en fin de concert en l’honneur des Hommes qui ont servi les États-Unis. Des vétérans se sont levés et ont chanté avec lui.

Direction le Jay P. Pavillon pour les 3 derniers concerts. Larkin Poe ouvre le bal. Groupe composé de deux sœurs, Rebecca à la guitare et Megan à la slide. Plus rock que blues, d’une énergie redoutable, c’est un peu deux extraterrestres dans ce festival. Provenant de Georgie, leur premier amour reste le bluegrass. Elles ont découvert le blues il y a quatre ans, pour lequel elles développent à présent une passion et un intérêt. Une reprise bienvenue de Son House «Preachin Blues», elles enchaînent sur une chanson un peu plus personnelle sur des voix «qu’elle entend dans sa tête, qu’elle aimerait faire partir une bonne fois pour toute»… «Freedom» que l’on peut retrouver sur leur album «Peach». Retour à leur premier amour pour une reprise au banjo de «John the Revelator» écrite par Blind Willie Johnson.

Larkin Poe © Lola Reynaerts

C’est avec une émotion palpable dans le pavillon que des images à la mémoire de Mike Ledbetter, décédé en janvier dernier à l’âge de 33 ans sont diffusées. Sa femme, ses parents et ses enfants ont été invités sur scène pour rendre hommage à cette étoile montante de Chicago au talent incroyable. Les larmes aux yeux, la gorge nouée, c’est avec une force qui lui est propre que Monster Mike Welch brandit sa guitare et débute le set avec une chanson de leur album «Right Time, Right Place» sorti en 2017. Accompagné sur scène du bassiste Scot Sutherland, du pianiste Luca Kiella Chiellini, du batteur Andrew «Blaze» Thomas et du guitariste-harmoniste Gerry Hundt, Mike Welch nous présente un set puissant et émouvant. Ils s’étaient rencontrés il y a deux ans au même endroit, sur cette même scène, lors d’un tribute à Otis Rush. L’alchimie entre ces deux musiciens a été immédiate et très vite, ils ont décidé de collaborer ensemble pour notre plus grand bonheur.

Rutie Foster © Lola Reynaerts

Je me souviens avoir dit à une amie, après les avoir vus pour la première fois aux Pays-Bas, qu’il y avait longtemps que je n’avais plus reçu une claque pareille en écoutant deux monstres sur scène. Andrew Duncanson, du groupe Kilborn Alley, chanteur que Mike Ledbetter admirait tant, est invité sur scène pour quelques chansons. Quelle voix, quelle présence ! Gerry nous offre quelques solos à l’harmonica. D’une voix emprunte de grand respect, d’émotion et d’amour, Mike Welch nous parle de son ami-acolyte, de son frère : Mike Ledbetter. J’étais contente de pouvoir partager ce moment et à mon tour de rendre hommage à cet homme qui nous manque à tous et qui m’a marquée à jamais.

Rutie Foster clôture le festival. C’est avec douceur qu’elle nous interprète «Fruits of My Labor» et «Phenomenal Woman» qu’elle termine en disant «Yes, we are all phenomenal women !». Femme de caractère qui a rejoint la U.S. Navy où elle chantait avec The Naval Band Pride et qui a refusé un contrat chez Atlantic Records qui voulait faire d’elle une pop star. Un a-capela puissant de «Grinnin’ in Your Face» de Son House et un étonnant «Ring of Fire» de Johnny Cash.

Le Chicago Blues Festival ferme ses scènes, éteint ses spots… Derrière moi s’est déroulé une aventure musicale et humaine que j’ai essayé de décrire, des moments uniques tels une bulle de champagne (… de bière pour moi !) qui explose en laissant une émotion pétillante. Je repars avec, dans mes bagages, une foule de souvenirs que tous ces merveilleux artistes ont partagés.

Le Chicago Blues Festival n’a pas menti à sa réputation ; une affiche de grande qualité, un accueil à la hauteur et un son sans faille … et tout cela en free access !!!

Lola Reynaerts

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Writer/photographer Lola Reynaerts with Delmark Records Presindent Julia A. Miller and Delmark’s Artistic Director Elbio Barilari, 2018 Chicago Blues Festival. Photo by Frank Corpus.

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